La nouvelle (r)évolution des TLD

S’il y a bien une chose que l’on peut dire à propos des nouveaux gTLD dont l’arrivée est imminente, c’est qu’ils vont apporter un changement radical dans l’univers d’Internet. Voilà pourquoi, le jeudi 26 septembre 2013, nous avons organisé dans les bâtiments de la FEB à Bruxelles une conférence intitulée « La nouvelle (r)évolution des TLD ».

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Goutez l'atmosphère de l'événement dans ce vidéo. En plus toutes les présentations ont été filmées et peuvent être visionnées en ligne ici.

Ci-dessous, vous retrouverez également un compte-rendu exhaustif. Pour plus d’infos sur l’essentiel des nouvelles extensions de domaines, rendez-vous sur notre site web.

La nécessité d’une stratégie

JonasJonas Dhaenens, CEO d’Intelligent, la société qui regroupe Combell et Register.be, toutes deux spécialisées dans le domaine de l’hébergement, a ouvert les conférences. Il a brièvement expliqué qu’en 1999, l’année où Combell a été fondée, l’enregistrement d’un nom de domaine .be était avant tout une procédure qui impliquait beaucoup de paperasse. Internet a cependant évolué et en 2000, l’enregistrement a été libéralisé et automatisé. Entre-temps, il y a 1,5 million de noms de domaines .be, et dans ce domaine national de premier niveau (ccTLD) aussi, les combinaisons de domaines intéressantes deviennent de plus en plus rares. Heureusement, dans le futur, des centaines de nouveaux TLD permettront d’augmenter de manière significative les possibilités d’enregistrer un bon nom de domaine.

En même temps, les noms de domaines sont également tombés sous le coup de la loi de la propriété intellectuelle, ce qui signifie qu’ils doivent être protégés, à l’instar des marques déposées. Jonas a de ce fait souligné la nécessité pour les entreprises de réfléchir à leur stratégie : vont-elles enregistrer leur nom de domaine dans tous les nouveaux TLD ou non? Et comment la toute nouvelle Trademark ClearingHouse peut jouer un rôle dans ce cadre?

Pourquoi a-t-on décidé de libéraliser les gTLD ?
Andrea

Andrea Becalli, Stakeholder Engagement Manager chez l’ICANN, l’organisation chargée de la gestion des serveurs racine d’Internet, a ensuite fourni quelques explications d’ordre général au sujet des noms de domaines, de la différence entre gTLD et ccTLD, et des noms de domaines internationalisés (IDN). Il a expliqué de façon très précise pourquoi la libéralisation des noms de domaines était indispensable. Pour commencer, l’ICANN voulait lever les restrictions concernant les gTLD en ASCII ; un Chinois pouvait p. ex. introduire les noms de domaines en chinois avec son clavier chinois, mais le suffixe de l’extension de domaine devait toujours être en ASCII. Les noms de domaines internationalisés, c’est-à-dire des noms de domaines non ASCII, devraient résoudre ce problème.

De plus, l’ICANN voulait créer une plateforme pour l’innovation dans l’industrie et l’univers d’Internet, ce qui ouvrirait d’innombrables possibilités en termes de choix et de concurrence sur un marché ouvert. Jusqu’à aujourd’hui, les gTLD n’étaient réservés qu’à un nombre limité d’entreprises, telles que VeriSign. Celles-ci pouvaient déterminer leurs conditions, ainsi que leurs prix. En offrant à tous la possibilité de devenir un registre d’un nouveau gTLD, ce marché deviendrait ouvert. En outre, certains secteurs de l’industrie peuvent créer leur propre gTLD, ce qui leur permettrait de contrôler qui a le droit d’enregistrer un domaine, afin que le gTLD soit protégé, comme c’est le cas pour .bank ou .law. Bref, les nouveaux gTLD offrent énormément de possibilités.

Andrea a souligné la longue période de préparation qui a précédé la libéralisation des domaines de premier niveau. Actuellement, on travaille en outre sur deux programmes simultanément : d’une part, on effectuera la transition depuis les 22 gTLD actuels vers les nouveaux gTLD, et d’autre part, il y a le « fast track program », dans le cadre duquel les ccTLD seront également affichés dans un script non ASCII.

Tout cela ne s’est pas fait à la va-vite… De 2005 à 2007, on a réfléchi à l’idée de libéraliser les noms de domaines. En juin 2008, le conseil d’administration de l’ICANN a approuvé cette idée. Ensuite, on a établi les règles relatives à la demande et la gestion d’un nouveau gTLD – règles que l’on retrouve dans le « Guide de candidature ». De janvier à mai 2012, les entreprises ont pu soumettre leurs candidatures, dont le nombre final s’élève à 1930. Celles-ci ont entre-temps presque toutes été évaluées durant la phase d’Évaluation Initiale, et bientôt les premiers nouveaux gTLD seront implémentés dans la zone racine d’Internet.

Lors de la préparation de la libéralisation, on a également dû réfléchir aux procédures qui permettraient de résoudre les éventuels litiges, ainsi qu’aux mesures à prendre pour pouvoir protéger les droits des propriétaires de marques. C’est ainsi que l’on a créé la base de données de la Trademark Clearinghouse (TMCH) et le Système de suspension rapide uniforme (URS), dont vous retrouverez de plus amples informations ci-après.

Entre-temps, les 1930 candidatures ont donc toutes été étudiées durant la phase d’Évaluation Initiale. Parmi elles, 1.700 ont été approuvées, 121 ont été retirées, et 32 ont été redirigées vers une Évaluation étendue. 82 des gTLD demandés sont de type « community-based », ce qui signifie qu’ils n’ont aucun but commercial et qu’ils représentent une communauté, ce qui permet à leurs opérateurs de ne pas être obligés de payer la somme initiale de 185.000 dollars à l’ICANN. Et pour conclure, 111 nouveaux gTLD sont des IDN. La prochaine étape, qui consiste à conclure les contrats avec l’ICANN pour la gestion des gTLD, a déjà commencé, tout comme la période de test de pré-délégation. Si tout se déroule tel que prévu, les premiers nouveaux gTLD seront en ligne au début de l’année prochaine.

Les droits des propriétaires de marques sont protégés

BartBart Lieben, avocat spécialisé en Propriété Intellectuelle (PI), Technologie, Médias et Télécoms, a insisté sur la nécessité de mettre en place une bonne stratégie à l’aube de l’arrivée de si nombreux nouveaux gTLD sur le marché. Les entreprises ne doivent pas tellement craindre les abus au premier niveau, celui du gTLD même. Les cybersquatteurs et les personnes malintentionnées ne demanderont en effet pas facilement un nom de marque en tant que nouveau gTLD. En fin de compte, ils devraient investir minimum 185.000 dollars pour pouvoir exploiter le domaine. Au deuxième niveau, celui du domaine même, le propriétaire de marques devra lui-même décider quels nouveaux gTLD sont importants pour lui, car il ne pourra pas enregistrer son nom de marque de manière préventive dans chaque nouveau gTLD. En effet, parmi les 1.500 nouveaux gTLD, 1.000 seront disponibles, et enregistrer un nom sous chacun de ces domaines serait bien trop coûteux au fil des années (cela reviendrait tout de même à minimum 100.000 dollars pour un seul nom de marque, sans même compter les variantes).

L’ICANN a d’ailleurs mis en place de nouvelles mesures pour éviter les enregistrements effectués par des personnes malintentionnées, ainsi que des procédures d’assainissement, dans le cas où de tels enregistrements devaient toutefois être effectués. Il y a la procédure préalable de protection des noms de marques, durant la période de Sunrise, à laquelle la Trademark Clearinghouse a désormais été intégrée, mais nous verrons cela par la suite...

Une procédure alternative a en outre été mise en place afin de régler tout problème de violation après l’enregistrement. Dans le passé, ces litiges étaient surtout gérés par l’OMPI (l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), mais la procédure qu’elle propose est longue et onéreuse. De plus, il s’est avéré que parmi les 43.000 cas qui ont été traités par ce biais durant ces 10 dernières années, seuls 15 % ont obtenu gain de cause face au candidat « fautif ».

Pour épargner ces frais aux propriétaires de marques, le Système de suspension rapide uniforme a été mis en place. Ce système permet de suspendre le nom de domaine pour lequel le propriétaire de marque peut apporter la preuve qu’il a été enregistré de manière abusive par un tiers. Il y a donc une grande différence par rapport à la procédure de règlement uniforme des litiges mise en place par l’OMPI, dans le cadre de laquelle le nom de domaine est transféré au propriétaire légitime, à savoir le propriétaire de la marque. Il s’agit donc d’une solution quelque peu moins intéressante, mais qui est par contre moins coûteuse… et qui fonctionne aussi. Une procédure PDDRP (Post-Delegation Dispute Resolution Procedure) a également été mise en place : le propriétaire d’une marque peut s’adresser directement au registre en cas de plainte, au lieu de devoir s’adresser au propriétaire du domaine. À cette fin, chaque registre a été obligé de créer un Complaints Point of Contact, où les propriétaires de marques peuvent directement adresser leurs plaintes. Cela aussi offre une protection supplémentaire au propriétaire de marques, car un registre doit en effet veiller à traiter les plaintes de manière efficace s’il souhaite garder le droit de gérer le gTLD.

La Trademark Clearinghouse

JanIl existe également un autre nouveau mécanisme de protection créé par l’ICANN. Et c’est Jan Corstens, partenaire chez Deloitte, qui a fourni des explications à ce sujet. En résumé, la TMCH est une base de données centralisée contenant des marques commerciales vérifiées. Et vous pouvez faire preuve de chauvinisme en parlant de cette TMCH, car le front-end (où l’on enregistre les noms des marques) a été développé par Deloitte, tandis que le back-end (la base de données où l’action a lieu) a été développé par IBM Belgique.

La TMCH fournit divers services. Dès que vous avez enregistré votre marque commerciale, celle-ci est automatiquement soumise, moyennant paiement d’une cotisation annuelle, à chaque nouveau gTLD durant la période de Sunrise (la période qui précède l’ouverture du gTLD au grand public), au lieu de devoir effectuer cette action vous-même pour chaque gTLD. Imaginez combien de travail vous auriez dû abattre avec ces nouveaux gTLD, qui seraient parus à raison de 2 par jour…

Un deuxième volet est composé des services d’alertes en cas d’infraction aux marques déposées. La La TMCH avertira un candidat lorsque celui-ci voudra enregistrer un nom dans un certain gTLD qui correspond à votre marque ou au label correspondant ayant été accepté dans la TMCH. Naturellement, ce candidat peut ignorer cet avertissement et malgré tout procéder à l’enregistrement. Mais dans ce cas, le propriétaire légitime de la marque est informé au sujet de cette violation, de manière à pouvoir prendre les dispositions nécessaires pour faire valoir ses droits.

Jan a également apporté des précisions quant aux conditions auxquelles une marque doit répondre pour pouvoir être considérée comme une marque commerciale : une marque qui a été enregistrée au niveau national ou régional, une marque commerciale qui a été entérinée par un tribunal, ou une marque commerciale protégée par une convention ou par la loi. Pour les marques figuratives, ce n’est pas le logo qui est reconnu mais bien le nom de la marque verbale allant de pair. Les noms de marques avec un point (dot brands) ne sont pas reconnues, bien qu’il y ait encore des discussions à ce sujet.

Pour pouvoir faire appel aux services de la TMCH, on peut s’adresser directement à la TMCH, bien que le fait de soumettre les documents requis et d’introduire le dossier requière pas mal de travail administratif. Voilà pourquoi il est conseillé de s’adresser à un agent agréé de la TMCH. La Belgique compte deux agents agréés, dont Register.be. Actuellement, la base de données de la TMCH contient déjà 11.500 marques commerciales, représentant 21.000 labels principalement d’origine occidentale.

Dans la pratique

MarcPour conclure, Marc Messely, Group Manager Industrial Property chez Bekaert, a parlé de son expérience en matière de domaines et de propriété intellectuelle et a insisté sur l’importance de mettre en place une politique relative aux domaines. L’entreprise belge Bekaert est connue dans le monde entier pour ses produits tréfilés. Elle détient 303 marques commerciales, dont les fibres DRAMIX, pour lesquelles 2.463 enregistrements ont été effectués au niveau international.

Marc a raconté qu’au début d’Internet, Bekaert n’avait mis en place aucune politique centralisée. Qui devait en effet prendre les décisions ? Le département informatique ou le département PI ? Ou encore le département communication, juridique ou marketing… ? L’entreprise possédait un nombre considérable de domaines dans le monde entier, mais leur propriété n’était absolument pas centralisée, et si à cette époque vous aviez demandé à Bekaert de vous imprimer une liste reprenant tous ces domaines, elle n’aurait tout simplement pas pu le faire.

À partir de 2008, on a commencé à développer et appliquer une politique relative aux domaines : la gestion de ces derniers a été centralisée, tout comme le droit de propriété, et l’enregistrement des domaines a dû se faire en concordance avec la politique de la marque et de la marque commerciale. Bekaert.com est le site web central, et tous les autres domaines sont redirigés vers ce site. Trois de ses marques déposées ont entre-temps été enregistrées via la TMCH, ce qui s’est fait en faisant appel à l’agent TMCH Register.be.

Et c’est donc l’importante conclusion que l’on peut tirer de cette conférence : avec l’arrivée des nouveaux gTLD, nous passons soudainement de 22 domaines de premier niveau génériques à plus de 1.000 gTLD que n’importe qui est libre d’enregistrer. C’est aux entreprises qu’incombe la tâche de mettre en place une politique relative aux domaines cohérente, et de déterminer les gTLD qui sont intéressants pour elles (ou qui ne le sont pas). Ou, pour reprendre les termes utilisés par Marc : les Must Have, les Nice to Have et le Garbage...

Presentatie

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